On ne compte plus les études montrant que les Français souhaitent manger plus local et plus responsable, à commencer par l’approvisionnement des cantines scolaires pour que nos enfants mangent enfin des produits frais, locaux et de saison. Lors de la présidentielle de 2017, un candidat déclarait ainsi sa volonté de « privilégier systématiquement les circuits courts et les productions locales dans la commande publique (alimentation, fournitures, etc.) et les rendre obligatoires pour les cantines scolaires ».
Imaginons qu’une telle décision soit prise aujourd’hui. Par exemple si Paris ou Bordeaux le décidaient ? Eh bien il n’y aurait tout simplement pas de production locale susceptible de fournir ces cantines.
Rendons-nous bien compte des ordres de grandeur. Pour relocaliser 10% de la consommation en légumes de Paris, il faudrait mettre en culture 3400 hectares de maraîchage, 1100 pour l’agglomération de Bordeaux ou encore 620 pour celle de Nantes qui vient de créer un potager urbain géant de 2,5ha pour en faire l’épicentre de son plaidoyer auprès de toutes les populations.
Aujourd’hui, la production de n’importe quel maraîcher bio autour d’une agglomération est instantanément absorbée par les AMAP, magasins de producteurs ou autres enseignes bio. Le problème des circuits courts est donc avant tout un problème d’offre, pas de demande.
La maire de Paris Anne Hidalgo l’a bien compris en décidant de participer aux investissements nécessaires à la mise en service de cette nouvelle agriculture nourricière au travers d’une coopérative, AgriParis.
Les agriculteurs, les maraîchers, ne poussent pas dans les comités ou les Plans Alimentaires Territoriaux, encore moins sur des terres nues qu’il faut équiper à hauteur de 100 000€ en moyenne pour être dans de bonnes conditions de travail dans une ferme de proximité en maraîchage diversifié (foncier, bâti, serres, irrigation). Faute de terres, faute d’accompagnement, chaque année ce sont des centaines d’agriculteurs fraîchement diplômés qui échouent à s’installer. Et faute d’investissements adéquats, le revenu moyen du maraîcher en France s’établit à 750€ par mois. Difficile dans ces conditions de répondre à la demande croissante en produits locaux !
Si l’on ne fait rien, la situation ne risque pas de s’améliorer. Dans les dix ans qui viennent, 50% des agriculteurs français vont faire valoir leurs droits à la retraite. Pour assurer la reprise de toutes ces exploitations à transmettre dans les prochaines années, il faudrait que la proportion des "hors cadre familiaux", ces paysans sans terre qui constituent aujourd’hui un tiers des candidats à l’installation, soit encore plus importante. Cela suppose de lever les nombreux verrous à l’installation qui empêchent les aspirants agriculteurs de réaliser leurs projets. Or, ces projets prennent de plus en plus la forme de fermes de proximité à taille humaine, s’inscrivant dans une démarche agroécologique. Ces projets méritent d’être soutenus.
En effet, la vente en circuits courts de proximité présente de nombreux bénéfices économiques et sociaux pour les producteurs et les consommateurs : une meilleure répartition de la valeur ajoutée permettant de meilleures marges pour le producteur et des prix moins élevés pour le consommateur, un renforcement du lien social par le maintien d’emplois locaux, la limitation de l’étalement urbain ou enfin la recherche d’une certaine autonomie alimentaire qui évite la délocalisation des impacts environnementaux et renforce la résilience alimentaire de nos territoires.
A Pau et Valence, deux agglomérations ont décidé de prendre les devants en créant de véritables “startups de territoire”, les Ceintures Vertes, sous forme de société coopératives, qui industrialisent la construction de fermes de proximité pour les mettre à disposition des agriculteurs sans terre. Les premiers légumes bio et locaux sortiront de ces fermes cet hiver !
Quelles que soient les divergences qui peuvent exister à l'échelle nationale au sein du monde agricole entre bio et conventionnel, entre petites exploitations et grosses exploitations, ces territoires prouvent que l’on peut les surmonter en associant tous ces courants au sein des coopératives Ceinture Verte : Chambres d’agriculture, Adear, Gab et Civam, espaces tests, lycées agricoles, légumeries, AMAP, investisseurs solidaires, bénévoles...
Ainsi les collectivités qui s’engagent pour créer des fermes de proximité ont simplement compris qu’il était fondamental de permettre à un second modèle de prospérer et de participer au mix alimentaire des Français, pour mieux coller aux attentes des consommateurs mais aussi à celles d’une nouvelle génération d’agriculteurs.
Cette Tribune est à retrouver sur le site du Monde :
Alimentation : « Le problème des circuits courts est avant tout un problème d’offre, pas de demande »